Laure Wagner : « Ne paniquez pas les gens avec le CO2 , parlez plutôt des bénéfices ! »

Votre société 1km à Pied aide les entreprises à réduire l’empreinte carbone des trajets de leurs salariés. Concrètement, vous faites comment ? 

Laure Wagner : On s’est rendu compte que 75 % des personnes font leur trajet domicile-travail en voiture, et qu’une grande partie des salariés qui travaillent pour des employeurs multi-sites pourraient faire le même job plus près de chez eux. On a donc créé un logiciel qui permet d’identifier les personnes concernées, pour réduire les trajets domicile-travail. Résultat : dans plus de 60 % des cas, les salariés peuvent occuper le même poste sur un site plus près de chez eux !

Qu’est-ce qui vous a poussé à agir pour le climat ?

L.W. : En 2006, j’ai passé six mois en Australie après mes études de communication et de management : ma famille d’accueil utilisait un récupérateur d’eau contre la sécheresse, je n’avais jamais vu ça ! Mais le déclic a été le documentaire de l’ancien président américain Al Gore. Je me suis alors dit : « Il faut que je bosse là-dedans ! ». En revenant en France, j’ai trouvé un poste à la « Semaine européenne de la mobilité » du ministère de l’Écologie. Depuis, je n’ai plus quitté le sujet.

Comment est née l’idée d’1km à Pied ?

L.W. : En 2009, j’ai rejoint Blablacar comme première recrue en tant que responsable communication. Tri des déchets, fin des gobelets en plastique, plateau (et non sac en papier kraft) pour remonter le repas dans les étages... Je suis devenue la Greta Thunberg de l’entreprise. Mais j’ai vite compris, grâce à mon travail, que la distance domicile-travail, qui a plus que quadruplé depuis 1960, était le fond du problème. En 2018, le rapport du GIEC m’a permis de comprendre le risque pour l’humanité : depuis, je suis obsédée par les tonnes de CO₂ ! C’est pour ça que j’ai créé 1km à Pied.

Convaincre vos clients a-t-il été difficile ?

L.W. : Au début, oui ! J’étais en mode « I want you to panic », selon la formule de Greta Thunberg, mais je me suis heurtée à un gros problème : mettre en avant les émissions de CO₂ ne convainc personne. J’ai donc privilégié les aspects positifs : moins de trajets, c’est moins de fatigue, moins d’absentéisme et de turnover, et moins de coût pour les entreprises. En moyenne, la réduction d’un trajet pénible grâce à notre logiciel permet d’éviter 10 jours d’absence ! Et chaque départ évité fait économiser 10 000 euros en frais de recrutement. Mon conseil, c’est de toujours parler des cobénéfices : santé, bien-être, économies…

Et pour les salariés et la planète ?

L.W. : Sur une année, le gain médian par trajet représente environ 4 400 km pour un salarié, soit une tonne de CO₂ en moins dans l’atmosphère (l’équivalent d’un aller-retour Paris - New York !). Si les 12 000 employeurs multi-sites optimisaient leurs trajets, ce serait 7 millions de tonnes de CO₂ économisées chaque année en France !

Dans votre quotidien, vous avez changé des choses ?

L.W. : Bien sûr ! Depuis le fameux rapport du GIEC, je ne prends plus l’avion et ne mange plus de viande. En 2019, j’ai aussi relevé le défi « Rien de neuf ». Avec mon compagnon et mes enfants, nous nous sommes installés à la campagne, avons planté 60 arbres, créé un potager, et chauffons peu. L’hiver, il fait 16 °C dans mon salon, 14-15 °C dans les chambres, d’ailleurs aujourd’hui, je travaille en combi polaire (véridique on l’a vue en visio) ! Et puis je n’achète plus aucun gadget. À Noël, je n’ai offert que la BD Ressources de Philippe Bihouix ! Au quotidien, on s’arrange avec une petite Zoé. Il suffit de s’organiser !

Pour aller plus loin :

• Le site d’1km à Pied

• L’outil de l’Ademe pour calculer l’empreinte carbone de vos trajets 

• Une étude de l’Insee sur les émissions des déplacements domicile-travail

• L’étude du Crédoc sur l’impact du télétravail 

Par Jean Botella