- 2050NOW
- Posts
- Réparer les vivants en réparant les sols ?
Réparer les vivants en réparant les sols ?
Le Salon de l’Agriculture bat son plein à Paris, on s’est donc penché sur le bio... Un truc de bobo ? Plus du tout ! Malgré les obstacles, les expériences viables se multiplient, et les chercheurs valident. La preuve avec un agriculteur du Vercors. Spoiler : on n’est pas prêt de lâcher l’affaire car il en va de... notre avenir !

Peut-être le savez-vous, comme tous les agriculteurs et les jardiniers du dimanche ? Plus un sol est riche, c’est-à-dire grouillant de champignons, de bactéries, d’insectes, de larves… plus les cultures sont épanouies et riches en saveurs. Malheureusement, avec l’artificialisation des terres et l’agriculture intensive, plus de 60 % des sols européens sont en mauvaise santé.
L’agriculture intensive appauvrit les sols
Pourquoi ? Parce que dans l’agriculture conventionnelle, on extrait ce qu’il y a de bon dans les sols puis, quand ils sont épuisés, on compense avec des engrais. Et quand on laboure, on détruit les micro-organismes, qui produisent la fertilité. En conséquence, les sols s’érodent, se salinisent, s’appauvrissent, et se retrouvent saturés de pesticides (la France est l’une des championnes dans cette catégorie ! 👇).
Le résultat ? Il est désastreux pour la biodiversité, pour notre alimentation et pour le climat – selon le Giec, le sol est l’un des meilleurs leviers pour stocker du carbone. « L’état des sols est directement lié à notre santé », résume le chercheur Marc-André Selosse, professeur au Muséum national d’histoire naturelle et grand spécialiste du sol.
« Les solutions sont à chercher du côté du vivant »
Que faire ? Peu de gens croient au développement à grande échelle de l’agriculture bio, qui reste marginale (14,4 % des fermes, et 10,4 % des surfaces en France). Pourtant, de plus en plus d’agriculteurs prouvent qu’un modèle plus durable est non seulement possible, mais viable.
« Les solutions sont à chercher du côté du vivant », assure Marc-André Selosse, qui a participé à un podcast sur le sujet avec Thierry Ailloud Perraud, dont la ferme Gabert est perchée entre Vercors et Écrins à 750 mètres d’altitude. 2050NOW a interrogé cet agriculteur pour en savoir plus.
« Notre modèle bio est viable et reproductible ! »
Vous vous êtes converti au bio en 1996. Quel a été le déclic ?
Thierry Ailloud Perraud : Pendant mon stage de fin d’étude, j’ai dû pulvériser un désherbant non autorisé entre les rangs de maïs. Cela a été radical : j’ai été malade trois jours ! Quand nous avons repris la ferme avec mon frère, nous n’avions pas envie de sacrifier notre santé. On s’est donc convertis au bio, puis on a arrêté de labourer au milieu des années 2000.
Les sols de votre ferme étaient dégradés, comment avez-vous fait pour leur redonner de la vie ?
Il y a trois piliers pour régénérer les sols. Nous avons mis en place la rotation des cultures, avec du blé, de l’orge, du sarrasin, du seigle, de l’épeautre, mais aussi de la luzerne et du trèfle. C’est essentiel pour enrichir la terre ! Nous avons aussi introduit des poules, car l’élevage amène des fertilisants et de la matière organique, et arrêté le labour, qui détruit le sol. Désormais, nous produisons moins, mais notre sol est vivant. Nous produisons de la fertilité ! Ce n’est pas valorisé d’un point de vue comptable, mais nous pourrons ainsi nourrir nos enfants demain !
Cette conversion au bio a-elle été difficile ?
Les premières années, oui !, car les rendements sont plus faibles. Aujourd’hui, ils sont inférieurs de 30 à 40 % par rapport à l’agriculture conventionnelle, mais cette situation est compensée par les économies réalisées sur les phytosanitaires, que nous n’utilisons pas. Le modèle est donc parfaitement viable, donc reproductible !
Manger des produits bio, c’est plus sain, mais c’est aussi retrouver du goût dans son assiette… ?
Oui tout à fait, acheter bio, c’est redonner toute son importance au goût. Car plus les sols sont vivants, plus ils ont des tannins, plus les cultures qui y poussent ont du goût. A mes yeux, il faut manger moins et mieux. Au final, ça ne revient pas forcément plus cher !
Si vous avez un potager, voici 3 conseils de Thierry Ailloud Perraud :
Semez des plantes entre les cultures (en hiver, cela protège les sols nus, sujets à l’érosion).
Mettez de la diversité dans votre jardin (cela limite les maladies).
Ne paniquez pas si un peu d’herbe pousse au milieu (Il n’y a rien de plus triste qu’un champ avec une seule espèce !)
Reply